La décarbonisation des procédés industriels est finalement amorcée au Québec. Le remplacement des énergies fossiles par des carburants biosourcés et par l’hydroélectricité contribue à la réduction des gaz à effet de serre (GES).
Parmi les énergies de substitution, les charbons biosourcés suscitent de plus en plus l’intérêt des grandes industries. Cette demande induit de nouveaux défis techniques, notamment la nécessité de mieux comprendre le comportement d’autoéchauffement du biocharbon, lorsque celui-ci est exposé à l’air.
Substituer les énergies fossiles pour décarboner l’industrie lourde
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est catégorique, la réduction des GES est incontournable pour amoindrir les effets des changements climatiques à long terme. L’un des secteurs visés par les politiques de décarbonation est le secteur métallurgique. Celui-ci est un important utilisateur d’énergie fossile sous différentes formes, notamment le charbon minéral. Ce charbon à base fossile, consommé dans des fours à haute température, est utilisé pour entrer en réaction avec le minerai. Ce procédé produit du gaz carbonique dans des ratios allant jusqu’à 3 tonnes de CO2 équivalent par tonne de charbon utilisé. Au Québec, cette réaction de réduction du minerai en produit métallique à l’aide de charbon minéral génère plus de 80 % des émissions de GES des sites métallurgiques. L’industrie métallurgique a pour objectif de substituer le charbon minéral par du carbone biogénique (à base renouvelable), ce qui permettrait une réduction considérable des émissions de GES. Concrètement, pour le Québec, cela pourrait correspondre à l’équivalent de centaines de milliers d’automobiles à combustion d’essence retirées de la circulation chaque année.
Le biocharbon un substitut intéressant
Le carbone biogénique est généré lors de l’absorption du CO2 par photosynthèse et est contenu dans la biomasse agricole ou forestière. Contrairement au carbone d’origine fossile et non renouvelable, le carbone biogénique est de nature renouvelable et permet de réduire de façon substantielle les émissions de GES lors de son utilisation. Il permet ainsi de remplacer des ressources fossiles qui pourront rester stockées dans les profondeurs des sols et ne pas s’ajouter au carbone disponible à la surface de la Terre.
Il est nécessaire de convertir la biomasse par pyrolyse pour obtenir un biocharbon qui présentera un taux de carbone aux mêmes niveaux que les charbons fossiles, soit environ 80 – 90 %. Le procédé de pyrolyse consiste à chauffer en absence d’oxygène de la biomasse qui produit alors une partie gazeuse, des liquides pyrolytiques ayant une haute valeur calorifique et une partie solide. Le biocharbon, ou la partie solide, peut ainsi contenir jusqu’à 90 % de carbone et devenir un très bon substitut au charbon minéral, alors que la portion gaz et les liquides peuvent être convertis en énergie verte.
L’autoéchauffement, comprendre le phénomène
Même si le biocharbon s’avère être un allié important dans la réduction des GES pour les procédés industriels lourds, son utilisation comporte aussi des inconvénients. En effet, le biocharbon produit par pyrolyse en absence d’oxygène présente un risque d’autoéchauffement lorsqu’il est exposé à l’air. Sans source externe de chaleur, il est possible d’observer un échauffement dans le biocharbon fraichement produit, qui peut aller jusqu’à s’enflammer par lui-même (autocombustion ou combustion spontanée). Cette propriété induit un risque important d’incendie. D’ailleurs, la plupart des charbonneries produisant du biocharbon ont observé cette propriété et doivent constamment gérer ce risque de feu.
L’équipe d’Innofibre s’est penchée sur cette problématique au cours des derniers mois pour comprendre ce qui cause l’autocombustion du biocharbon fraichement produit. Le groupe de recherche a ensuite travaillé pour trouver des solutions efficaces afin de réduire les risques pour les producteurs et les utilisateurs de biocharbon qui sont exposés à cette problématique d’autoéchauffement.
Lors de l’analyse du phénomène d’autoéchauffement du biocharbon, il a été démontré que la cause première est l’adsorption d’oxygène et d’humidité à l’intérieur de la structure poreuse du biocharbon. Par la suite, l’oxygène et l’humidité réagissent avec certains groupements fonctionnels provenant des goudrons résiduels. Il s’agit d’une réaction exothermique qui libère de l’énergie sous forme de chaleur. Selon la quantité de biocharbon en présence, la granulométrie des morceaux de biocharbon et la température externe, cette chaleur générée peut se dissiper à travers le matériel de manière à éviter un autoéchauffement. Elle peut aussi demeurer dans le biocharbon et accélérer l’autoéchauffement jusqu’à atteindre le seuil d’inflammabilité aux environs de 140 oC.
Développer de nouvelles méthodes pour outiller l’industrie
Il existe des méthodes normalisées pour mesurer le phénomène d’autoéchauffement dans des étuves isothermes. Ces méthodes sont très appropriées pour déterminer si un échantillon de biocharbon est à risque de s’autoéchauffer. Cependant, ce type de test demande beaucoup de préparation et s’échelonne sur 24 heures. De plus, une supervision constante est requise au laboratoire, car l’échantillon peut prendre en feu à tout moment pendant la période de 24 heures. La méthode normalisée est donc très difficile à appliquer en usine.
Chez Innofibre, les chercheurs ont observé qu’il existait un lien entre la présence de goudrons résiduels dans la structure interne du biocharbon et sa prédisposition à s’autoéchauffer. Ils ont alors développé une méthode simple d’extraction des goudrons résiduels, ainsi que la mesure en laboratoire de la concentration des goudrons par absorbance. Ceci permet d’identifier rapidement les risques d’autoéchauffement de différents types de biocharbon. Ce nouveau test rapide est une alternative intéressante à la méthode de 24 heures en étuve isotherme. Cela permet d’ajouter une étape de contrôle supplémentaire pour éviter les risques de feu associé à l’autoéchauffement du biocharbon.
En travaillant sur de nouveaux outils de contrôle du phénomène d’autoéchauffement du biocharbon, l’équipe d’Innofibre contribue à rendre ce matériau d’avenir plus sécuritaire et à accélérer son utilisation afin de réduire l’empreinte carbone du secteur de l’industrie lourde au Québec.
La mission d'Innofibre
« Contribuer au positionnement technologique et au développement durable de l’industrie papetière et du bioraffinage au Québec, en soutenant l’innovation et la diversification des produits issus de la biomasse et en adaptant les technologies papetières. »