C’est en 1923 que débutait, à Trois-Rivières, le programme d’enseignement technique en pâtes et papiers. En mai dernier, les tout derniers finissants ont complété leurs études dans ce programme.
Au fil des décennies, grâce à ce programme de formation qui a toujours su s’adapter et évoluer, des centaines de techniciens ont pu prendre une place enviable dans les usines papetières, mais également au sein d’entreprises opérant de nombreux autres types de procédés.
Des fondateurs visionnaires
Le promoteur de la fondation d’une École de papeterie à Trois-Rivières fut Gustave-Clodomir Piché, premier chef du Service forestier du ministère des Terres et Forêts de 1909 à 1937. L’objectif principal était alors de « … donner aux Canadiens-français, la place qui leur revient dans les usines… ». Gustave-C Piché a ainsi été le premier inspecteur-général de l’École de papeterie et de l’École des gardes forestiers (Duchesnay). Il a également fondé à l’Université Laval, l’École de Génie forestier (aujourd’hui la faculté de Génie forestier) dont il a été le premier directeur de 1910 à 1919.
Pour son projet d’École de papeterie, il a reçu un appui notable de la part de Honoré Mercier, alors ministre des Terres et Forêts. À noter ici qu’il s’agit du fils de Honoré Mercier qui a été premier ministre du Québec quelques années auparavant. En 1923, dans sa publication intitulée « Les forêts et les forces hydrauliques de la province de Québec », le ministre Mercier indique que l’École de papeterie est « … nécessaire dans un pays où l’industrie des pâtes cellulosiques et du papier a fait de remarquables progrès au point d’être une des industries essentielles à l’avenir économique. Pour lui permettre de lutter avec avantage contre les industries similaires établies à l’étranger, une main d’œuvre avertie est nécessaire. C’est à former une telle main d’œuvre que s’emploiera l’École de papeterie. »
L’École de papeterie a d’abord été annexée à l’École technique de Trois-Rivières. Le premier directeur fut Paul Émile Piché (aucun lien de parenté avec Gustave-C Piché). L’École a été ouverte en octobre 1923 et les premiers cours ont commencé dès le 13 novembre 1923.
Une formation de qualité, dès le départ
Les ouvriers des usines de Trois-Rivières et Cap-de-la-Madeleine pouvaient s’inscrire à temps partiel. Pour les accommoder, les usines leur permettaient de travailler de 16 h à minuit. Ainsi, ils pouvaient compléter le programme technique de 4 ans, à raison de 19 h de cours théoriques par semaine.
Le programme à temps complet était offert aux jeunes n’ayant pas un emploi dans l’industrie. Il s’agissait des mêmes cours, mais avec plus de travaux pratiques et des visites industrielles. Les frais de scolarité étaient alors de 108 $ pour les étudiants à temps partiel, et de 162 $ pour les étudiants à temps complet. Il fallait avoir 16 ans minimum et des connaissances en arithmétique.
Une usine pilote unique au monde !
Au début des années 40, l’École de papeterie déménage dans ses propres locaux. En 1944, quelques mois après l’arrivée du gouvernement de Maurice Duplessis, Gaston Francoeur est nommé directeur. En 1946, la décision est prise d’agrandir l’école avec une usine pilote. Les travaux débutent en 1948 et l’inauguration aura lieu en 1951. Les couts ont été de 1,92 M$ : soit 333 k$ pour le fédéral et 1,59 M$ pour le provincial. L’usine incluait alors les procédés de mise en pâte mécanique (meule), de mise en pâte chimique (lessiveur), de raffinage (pile raffineuse), de tamisage et, bien sûr, une machine à papier complète.
En 1958, l’École de papeterie est devenue l’Institut de Papeterie de la Province de Québec. Gaston Francoeur en est demeuré le directeur jusqu’à sa retraite, en 1967. François St-Arneault lui succèdera alors, mais dès 1968, l’Institut de Papeterie devient un département du Cégep de Trois-Rivières.
Des efforts de recrutement
Pendant toute la vie de ce programme, le recrutement d’étudiants a été un grand défi. L’industrie a toujours été cyclique et a influencé grandement l’intérêt des candidats potentiels. Cependant, Gaston Francoeur en a toujours fait une affaire personnelle. Ses relations étroites avec les gens des usines permettaient toujours de bien répondre aux besoins de main d’œuvre qualifiée de l’industrie, tout en assurant un placement rapide de ses diplômés. En assurant des emplois d’été bien rémunérés pour ses étudiants, il avait un atout évident pour le recrutement. À la suite de l’annexion au Cégep, et alors que les inscriptions avaient chuté radicalement, François St-Arneault a réussi à convaincre la direction du Cégep et a pu reprendre cette formule en visitant personnellement les écoles secondaires pour faire connaitre le programme et toutes ses possibilités. Plus tard, ce fut l’arrivée des stages en alternance travail-étude, développée par le Centre spécialisé en pâtes et papiers (CSPP, maintenant Innofibre) qui a permis encore une fois de relever le nombre d’inscriptions.
Depuis la fin des années 2000, dans la foulée des fermetures d’usines, les problèmes de recrutement se sont accentués. Après 4 ans de travail acharné de la part de Jean-Patrice Lamothe, enseignant et coordonnateur, le programme a été remodelé et est devenu « Écodéveloppement et bioproduits » pour mieux refléter les besoins de l’industrie qui évoluaient déjà vers le bioraffinage. Les diverses techniques et procédés de valorisation de la matière cellulosique ont été inclus dans le programme, mais en conservant toutes les compétences pour continuer de répondre aux besoins de l’industrie papetière. Cependant, après seulement 2 promotions de ce programme renouvelé, il a été aboli.
La photo suivante montre donc les tout derniers finissants de ce programme.
Je lève mon chapeau à tous les finissants depuis 1923 et à leurs nombreuses réalisations. Un jour viendra sûrement, et bientôt je l’espère, où de nouveaux visionnaires tels que les Piché, Francoeur, St-Arneault et Lamothe sauront remettre sur pied une formation technique digne de ce qu’ont été les programmes de Technologies papetières, et d’Écodéveloppement et bioproduits.
D’ailleurs, ce ne sont pas les innovations qui manquent dans le domaine des produits cellulosiques quand on observe tous les développements réalisés chez Innofibre.
La mission d'Innofibre
« Contribuer au positionnement technologique et au développement durable de l’industrie papetière et du bioraffinage au Québec, en soutenant l’innovation et la diversification des produits issus de la biomasse et en adaptant les technologies papetières. »