RDUE : industries papetières et forestières inquiètes

De l’industrie

La Commission européenne a présenté, le 21 octobre 2025, une proposition visant à modifier le Règlement sur les produits exempts de déforestation (RDUE), adopté en 2023. 

Constatant la complexité de sa mise en œuvre, Bruxelles souhaite simplifier les démarches pour les petites entreprises et alléger les obligations des opérateurs en aval.

Les nouvelles mesures prévoient notamment pour les micro et petites entreprises un report de l’application au 30 décembre 2026, accompagné d’une déclaration simplifiée, tandis que les opérateurs en aval seraient dispensés de certaines obligations. Les grandes entreprises bénéficient d’une période de grâce de six mois, jusqu’au 30 juin 2026, pour la pleine application du règlement. Ces ajustements, qui doivent encore être validés par le Parlement et le Conseil, visent à desserrer l’étau administratif sans remettre en cause les objectifs environnementaux de l’UE.

En France, COPACEL salue cette volonté d’ajustement mais déplore un texte encore trop complexe. L’organisation souligne le maintien de dispositions jugées excessives, comme l’obligation de communiquer des identifiants d’exploitants forestiers, contraire au secret des affaires. Elle critique aussi l’absence d’intégration des clarifications introduites récemment dans les documents interprétatifs. Enfin, elle juge irréaliste la volonté de conclure la refonte avant le 30 décembre 2025, estimant qu’une réécriture complète et un délai supplémentaire sont nécessaires.

Ces réserves font écho à celles exprimées en Amérique du Nord. Au Canada, l’Association des produits forestiers du Canada (APFC) s’est dite déçue que la proposition n’apporte pas de réponse concrète aux défis opérationnels du secteur. Son président, Derek Nighbor, dénonce un système informatique « inadapté » et l’absence de reconnaissance officielle du faible risque de déforestation dans des pays comme le Canada. Il appelle à une simplification du règlement et à une meilleure coordination avec les partenaires commerciaux européens.

Aux États-Unis, l’American Forest & Paper Association (AF&PA) a qualifié la démarche européenne de « revirement » contraire aux engagements pris précédemment. Sa présidente, Heidi Brock, estime que cette réglementation crée une barrière non tarifaire injustifiée et menace les relations commerciales transatlantiques, alors même que l’industrie américaine n’est pas liée à la déforestation mondiale.

Ces réactions convergentes illustrent un malaise partagé entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Si tous soutiennent l’objectif de lutte contre la déforestation, les associations du secteur forestier et papetier réclament une approche pragmatique, fondée sur la reconnaissance des efforts déjà réalisés dans les pays à faible risque et sur la cohérence des politiques commerciales et environnementales.

COPACEL (Union française des industries des cartons, papiers et celluloses) représente les producteurs français de pâtes, papiers et cartons. Elle regroupe 74 entreprises représentant 10 000 emplois et 5,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

L’Association des produits forestiers du Canada (APFC) représente les producteurs canadiens de bois, de pâte à papier et de papier à l’échelle nationale et internationale dans les domaines du gouvernement, du commerce et de l’environnement. Avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 87,2 milliards de dollars, le secteur canadien des produits forestiers est l’un des plus gros employeurs du pays, offrant 200 000 emplois directs et exerçant ses activités dans des centaines de collectivités, partout au pays.

L’American Forest & Paper Association (AF&PA) défend des politiques publiques favorables à la croissance économique, à l’emploi et à la compétitivité mondiale d’un secteur essentiel à la vie quotidienne. L’industrie américaine des produits forestiers emploie plus de 925 000 personnes, principalement en zones rurales, et figure parmi les 10 premiers secteurs manufacturiers dans 44 États.


Qu’est-ce que le RDUE ?

Le Règlement sur les produits exempts de déforestation (RDUE) est un texte européen adopté en 2023 visant à lutter contre la déforestation mondiale liée aux chaînes d’approvisionnement.
À compter du 31 décembre 2025, il interdira la mise sur le marché européen — ou l’exportation depuis l’Union européenne — de produits issus de terres déforestées ou dégradées après le 31 décembre 2020.

Le RDUE s’applique à plusieurs matières premières à risque, dont le soja, l’huile de palme, le bois, la pâte à papier et leurs produits dérivés.

Ses objectifs sont triples :

  • garantir l’absence de lien entre ces produits et la conversion, légale ou non, de forêts ;
  • assurer la conformité légale dans les pays de production ;
  • imposer une diligence raisonnable aux entreprises, qui doivent démontrer — preuves à l’appui, notamment par la géolocalisation des parcelles — la légalité et la non-déforestation de leurs approvisionnements.

Les importateurs, distributeurs et exportateurs devront ainsi soumettre, via la plateforme européenne TRACES, une déclaration de conformité avant chaque mise sur le marché, attestant la traçabilité et la durabilité des produits concernés.

Ces mesures s’inscrivent dans la stratégie globale de l’Union européenne visant à réduire son empreinte environnementale, protéger la biodiversité et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, dans le cadre du Pacte vert européen.