Le gouvernement du Québec a officiellement enterré le projet de loi 97, qui devait réformer en profondeur le régime forestier.
Le premier ministre François Legault a annoncé la nouvelle devant les élus réunis au congrès annuel de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), confirmant qu’un nouveau processus de consultation sera relancé sous la responsabilité de Jean-François Simard, nommé ministre des Ressources naturelles et des Forêts au début du mois.
Une réforme vivement contestée
Déposée en avril par l’ex-ministre Maïté Blanchette Vézina, la réforme proposait la création de « zones d’aménagement forestier prioritaire » couvrant environ 135 000 km². Dans ces territoires, l’exploitation forestière aurait été privilégiée, limitant la création de nouvelles aires protégées et concentrant les activités de coupe.
Présentée comme un moyen d’offrir plus de prévisibilité à l’industrie, la réforme s’appuyait sur le principe de la « triade » (zones de conservation, d’exploitation et multi-usages). Mais elle a suscité une levée de boucliers : Premières Nations, municipalités, syndicats, environnementalistes, scientifiques et même une partie de l’industrie ont dénoncé une approche centralisatrice et peu transparente.
Blocus et tensions régionales
Dès le printemps, le projet avait déclenché une vague de contestations. Des communautés autochtones ont émis des ordres d’expulsion et bloqué des chemins forestiers, notamment en Mauricie et au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Des maires de petites villes forestières, des pourvoyeurs et des chercheurs universitaires avaient aussi multiplié les critiques, craignant une perte de confiance et une fragilisation des forêts face aux changements climatiques.
Recul stratégique du gouvernement
Face à cette contestation, le premier ministre a décidé de « repartir à zéro ». « On repart les consultations avec les nations autochtones, avec les entrepreneurs forestiers, et avec vous, les préfets et les maires », a-t-il déclaré devant la FQM, déclenchant des applaudissements.
L’abandon du projet intervient deux semaines après l’exclusion de Mme Blanchette Vézina du Conseil des ministres. Devenue députée indépendante, elle n’a pas caché son amertume, affirmant que ses orientations lui avaient été imposées par le bureau du premier ministre et que le régime actuel nécessitait malgré tout une révision.
Réactions partagées
Le retrait est accueilli avec soulagement par la FQM et l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), qui réclamaient de nouvelles bases de dialogue. Les syndicats, dont Unifor Québec, se disent également satisfaits du recul, mais préviennent qu’« on n’a pas le luxe du statu quo » : ils demandent des mesures rapides pour soutenir l’industrie, fragilisée par la hausse des droits de douane américains sur le bois d’œuvre.
Pour le Conseil de l’industrie forestière du Québec, qui avait lui aussi appelé à « corriger le tir » au début septembre, l’incertitude demeure. Le secteur emploie plus de 60 000 travailleurs directs et 68 000 indirects et traverse une période marquée par des tensions commerciales et des difficultés structurelles.
Une page tournée, une autre à écrire
Le gouvernement Legault prévoit déposer une nouvelle mouture au cours de la prochaine année, sans préciser d’échéancier. Reste à voir si la future réforme pourra concilier exploitation durable, retombées économiques régionales et acceptabilité sociale dans un secteur où les attentes sont multiples et souvent contradictoires.