Papier électrode : du rêve à la réalité

Grâce à la machine pilote d'Apprieu, les chercheurs ont réussi à produire du papier électrode en continu.Photo : Ahlstrom-Munksjö.

Avancées dans l’industrie papetière
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Sören Back – A la faveur d’une collaboration de longue date entre l’Institut de Technologie KTH Royal, l’Université de Linköping et RISE Suède, du papier électrode servant au stockage d’énergie dans les batteries et supercondensateurs a été produit sur machine pilote et ce en continu.

Le projet est chapeauté par le Digital Cellulose Centre (DCC) et appuyé par des producteurs papetiers et recycleurs.

Pour retracer les origines de ce projet il faut remonter 20 ans en arrière, alors que la recherche s’articulait autour d’une technologie d’impression électronique sur le papier. Contrairement au plastique par exemple, la surface du papier n’est pas lisse, ce qui rendait plus difficile encore l’impression de canaux conducteurs. Le projet Power Paper a finalement pris son envol il y a dix ans mais au lieu de procéder par impression, le papier est plutôt rempli de composantes conductrices d’électricité permettant d’emmagasiner l’énergie. On s’est alors rendu compte qu’en utilisant les nanofibres de cellulose, on ouvrait un nouvel éventail de possibilités.

L’étape suivante durera 5 ans pendant lesquels on cherche à raffiner le mélange de composantes pour permettre une production à plus grande échelle. Un essai pilote a été organisé par les partenaires KTH, LiU et RISE, ainsi que les compagnies Ahlstrom-Munksjö et AGFA, un fabricant de polymères. Ahlstrom exploite quant à elle des machines à papier de spécialité à grande échelle et au niveau pilote. Dès le départ, le défi de la rétention de la feuille s’est posé, de raconter Karl Hakansson, chercheur chez RISE. Il fallait empêcher les composantes de passer à travers la toile. A cette fin, on ajoute au papier du matériel conducteur et du biocarbone activé. Les fibres de cellulose agissent comme transporteur mais aussi comme agent de liaison.

La fonction du carbone est d’emmagasiner l’énergie et de faire circuler le courant électrique. Il en résulte un papier électrode homogène qui devient une composante clé d’une cellule de batterie ou de supercondensateur. L’essai pilote a été mené sur la machine d’Ahlstrom-Munksjö à son usine française d’Apprieu. « Pandémie oblige, les réunions ont fait place à des rencontres vidéo en direct pour démontrer des conditions de formation, de pressage et de séchage de la feuille. Tous les partenaires ont fait preuve d’une remarquable implication. Nous avons poussé la machine à ses limites pour connaître la quantité de composantes actives que pouvait prendre la feuille. Ainsi, plusieurs rouleaux de 10 mètres ont été produits.

Ceci dit, il reste encore des embuches à surmonter, notamment la vitesse de production de la feuille car celle-ci ne peut être produite sur les machines larges et ultrarapides d’aujourd’hui. « Jusqu’à maintenant, la production de papier électrode passe par un équipement différent et spécialisé. On peut le voir comme un problème ou comme une opportunité de mettre au point des machines pilotes spécialement dédiées, » conclut M. Hakansson.


Jaclin Ouellet, Journaliste, Le Maître papetier