Depuis plus de 10 ans, Innofibre travaille sur le procédé de phosphorylation de la cellulose afin de lui conférer différentes propriétés intéressantes telles qu’ignifuge, super-absorbante ou encore une forte capacité d’échange cationique.
Lorsque ce type de traitement est appliqué sur le bois, cette modification chimique peut permettre aux matériaux d’être plus résistants aux différentes conditions environnementales, dont les ravageurs ou encore le feu. Ainsi, cet article a pour but de vous présenter les travaux menés par l’équipe de recherche d’Innofibre sur la phosphorylation de panneaux de bois et les avantages de cette application. Cette lecture vous exposera comment ce nouveau traitement peut devenir une piste de solution afin de répondre à un enjeu du domaine de la construction, soit la durabilité des matériaux.
Un souci de durabilité, mais aussi de santé
Bien que les matériaux de bois présentent des avantages économiques et écologiques par rapport aux structures en béton ou en acier, ces matériaux composés de substrats lignocellulosiques sont propices au développement de champignons lorsqu’ils sont exposés à l’humidité. En effet, en conditions un peu plus extrêmes comme dans les salles de bain, les spas, les bateaux, ou encore en cas d’infiltration d’eau, des problèmes de contamination par des champignons (moisissures et pourritures) peuvent survenir.
La présence de champignons peut engendrer des problèmes économiques ou même de santé. D’une part, les pourritures consomment le bois et altèrent les propriétés mécaniques. Dans certains cas, il faudra remplacer prématurément ces matériaux. D’autre part, les contaminations aux moisissures causent des problèmes esthétiques, puisque les champignons sont apparents et décolorent le bois. De plus, lors d’une forte prolifération de moisissures, la présence de spores affecte la qualité de l’air ambiant. L’exposition chronique à ces microorganismes peut mener à des problèmes de santé parfois sévères comme des troubles respiratoires, des allergies ou de la fièvre.
À l’heure actuelle, il existe différentes solutions pour empêcher la prolifération des champignons et ainsi assurer une durée de vie optimale aux matériaux de bois. Il peut s’agir des additifs fongicides, des traitements thermomécaniques ou encore des traitements chimiques de fonctionnalisation du bois. Chacun de ces traitements présente des avantages et des inconvénients et, à ce jour, il n’y a toujours pas de solution idéale permettant d’éliminer les risques pour la santé et l’environnement, tout en étant viable économiquement.
Des ions métalliques pour combattre la prolifération fongique
Témoin de ces enjeux actuels, Innofibre a décidé de proposer un traitement antifongique innovant qui permettrait de remplacer les produits actuellement disponibles sur le marché. Cette solution de rechange est la phosphorylation de la cellulose, suivi d’un greffage de contre-ions métalliques. En effet, l’ajout de groupements phosphates permet à la cellulose d’avoir une charge électronégative élevée et ainsi d’adsorber facilement des cations métalliques comme Cu2+, Ni2+, Zn2+, etc. Puisque ces métaux sont reconnus pour leur effet antimicrobien, il est logique de croire que ce traitement pourrait limiter la prolifération de champignons sur les panneaux.
Moins de pourriture dans nos murs
Le projet de recherche, financé par le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec (MES) dans le cadre du Programme d’aide à la recherche et au transfert (PART), a été réalisé par Innofibre de 2022 à 2023. Des résultats prometteurs ont ainsi pu être obtenus. Dans ce projet, tous les traitements ont été faits avec du zinc, à titre de contre-ions. Afin d’optimiser le procédé, différentes conditions de traitements de phosphorylation et de greffage de contre-ions ont été testées, telles que le temps de réaction, la concentration des réactifs, la nature du sel métallique, la méthode d’application du traitement, etc. Les échantillons de panneaux contreplaqués et de panneaux de lamelles orientées ou OSB (oriented strand board) obtenus à la suite de l’application des différents traitements ont été incubés avec différentes moisissures et pourritures, en se basant sur des protocoles standardisés. Les résultats ont démontré que tous les échantillons traités étaient significativement plus résistants aux moisissures et pourritures que les échantillons sans traitement.
Au niveau du test de la prolifération des moisissures, les résultats ont démontré une réduction significative du développement de moisissures sur les panneaux avec traitement. Cependant, aucun panneau phosphorylé n’a permis d’inhiber la prolifération de moisissures aussi efficacement que l’échantillon de contreplaqué marin commercial, soit un panneau traité et vendu comme étant un panneau résistant aux champignons.
Où les résultats deviennent intéressants et satisfaisants, c’est au niveau du test d’inhibition de la prolifération des pourritures. En effet, plusieurs échantillons traités par Innofibre se sont avérés plus efficaces que le contreplaqué marin commercial. Ce test, qui mesure la perte de masse causée par la digestion de la matière lignocellulosique par les pourritures (, a permis de constater que les panneaux phosphorylés puis traités au zinc limitent la dégradation du bois mieux que le produit commercial de référence. Cette différence, également observable à l’œil nu, est présentée dans la figure 2 ci-dessous.
Bien qu’il reste du travail à faire avant d’atteindre l’efficacité des produits commerciaux en termes d’inhibition des moisissures, les résultats obtenus concernant l’inhibition des pourritures laissent croire que le traitement proposé a beaucoup de potentiel pour le secteur des matériaux de construction. En effet, en limitant les pourritures, ces nouveaux matériaux pourraient avoir une durée de vie supérieure dans des conditions d’humidités plus extrêmes.
Et les autres propriétés?
Mais quel est l’effet de ce traitement sur les propriétés mécaniques du bois? En effet, le but premier des panneaux structurels, comme le nom l’indique, est d’assurer le maintien des structures des bâtiments. Ainsi, il était essentiel d’évaluer l’effet du traitement sur les propriétés mécaniques du bois dans ce projet.
Par chance, les résultats obtenus lors des tests effectués par le SEREX (Centre collégial de transfert de technologie situé à Amqui) ont démontré que ce traitement n’avait pas d’impact significatif sur les propriétés mécaniques comme le module de rupture, d’élasticité ou encore le pourcentage de gonflement.
Et qu’en est-il du traitement de zinc sur les propriétés ignifuges du bois obtenues à la suite de leur phosphorylation ? Ici aussi, l’équipe d’Innofibre s’est assurée de mesurer l’impact du traitement sur la capacité ignifuge. Le test de propagation de la flamme a été effectué sur les échantillons traités et il s’est avéré que les panneaux de bois avaient une très bonne capacité ignifuge en comparaison aux panneaux non traités. Il s’agit d’une deuxième propriété pertinente pour assurer la durabilité des matériaux de bois. Ce constat est d’autant plus intéressant, car les propriétés antifongiques et les propriétés ignifuges sont obtenues grâce à un seul et même traitement.
En conclusion, les résultats prometteurs obtenus lors de ce projet de recherche autonome rendent confiante l’équipe d’Innofibre à proposer une solution novatrice au secteur des matériaux de construction. Il est souhaité que cette découverte permettra de développer de nouveaux partenariats de recherche afin d’approfondir les connaissances et adapter le procédé aux besoins des entreprises.
La mission d'Innofibre
« Contribuer au positionnement technologique et au développement durable de l’industrie papetière et du bioraffinage au Québec, en soutenant l’innovation et la diversification des produits issus de la biomasse et en adaptant les technologies papetières. »