Les Premières Nations de plus en plus au cœur des projets en bioénergie

Source de l'image : LMP

Jaclin Ouellet
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Dans mon dernier blogue remontant au 8 février 2022, je soulignais combien la Conférence annuelle de PAPTAC était orientée vers une conscientisation de la pollution générée par les activités de l’industrie papetière. D’où l’accélération du train de la bioénergie et de la valorisation de la biomasse forestière.

Aujourd’hui je constate non sans une pointe de satisfaction que les projets en bioénergie foisonnent un peu partout dans le monde. Le Canada et particulièrement le Québec sont très actifs et désireux de réduire leur empreinte carbone. Or en parcourant les sites de Paper Advance et du Maître Papetier, j’ai remarqué que cette mouvance bien installée se fait de plus en plus en partenariat avec les occupants des terres forestières, c’est-à-dire les Premières Nations.

Tina RasmussenBien au fait de cette réalité, PAPTAC a profité de l’édition 2024 de PaperWeek, qui prenait place un peu plus tôt ce mois-ci, pour organiser une session sur la présence autochtone dans les projets en bioénergie. Cette session réunissait Tina Rasmussen, Directrice, Développement des affaires chez  Meadow Lake Tribal Council Industrial Investments, en Saskatchewan, ainsi que le Grand Chef du Conseil de bande Atikamekw au Québec, Constant Awashish.

Le projet du MLTC ou Meadow Lake Tribal Council (qui comprend 17 000 membres issus de 9 Nations différentes) est le plus avancé en terme de représentation autochtone. Le MLTC Bioenergy Centre est propriété à 100% du Conseil de bande. On y transforme jusqu’à 500 000 mètres cubes de fibres pour une production de 6,6 MW d’électricité mais cette activité engendre aussi des émissions dans l’atmosphère de l’ordre de 100 000 tonnes de CO2 par année. Une dernière étape à venir consiste donc à capturer ces émissions.

JO 27fev24 4Le Meadow Lake Tribal Council Bioenergy Centre

Quand on demande à Mme Rasmussen ce qui a entraîné cette ouverture pour une implication accrue des Premières Nations dans la bioéconomie, elle répond sans hésiter que ce sont « les investisseurs qui l’exigent afin de sécuriser leurs investissements. Cela oblige les compagnies impliquées à faire preuve d’honnêteté envers les Premières nations qui vivent sur les territoires récoltés. Nous voulons un avenir pour notre communauté et faire partie de la circularité des activités, » ajoute-t-elle.

JO 27fev24 3Constant AwashishLa Nation Atikamekw de Latuque a pour sa part été obligée d’aller cogner à la porte de Bioénergie Latuque pour leur rappeler qu’ils voulaient être partie prenante de toute activité se déroulant sur leur territoire. Non seulement leur a-t-on répondu rapidement mais le projet BELT compte à l’heure actuelle des représentants atikamekw sur son conseil d’administration.

Le Grand Chef Constant Awashish a expliqué que le projet BELT comprend cinq phases : l’étude de faisabilité de 3 ans (2017-2020), suivi des essais en usine pilote (2020-2023) , l’activation du projet selon un agenda précis pour le plan d’affaires, les exigences en infrastructures, la sélection du site, ainsi que la sélection de la main-d’œuvre et sa formation, qui se poursuivront jusqu’en 2025. Puis le BAPE, le bras environnemental du gouvernement du Québec, examinera le projet et, une fois le projet approuvé, la construction s’étendra jusqu’en 2030, moment où l’usine entrera en opération.

Le projet visant « à démontrer du potentiel précommercial de produire des biocarburants à partir de biomasse forestière résiduelle, » bénéficie d’une aide financière du gouvernement du Québec de l’ordre de 5 943 000$. À terme, le projet de 1 milliard$ équivaut à éliminer le CO2 produit chaque année par 100 000 voitures.  Le partenariat compte aussi sur la participation de FPInnovations, de l’UQTR, de l’université de VTT (un centre de recherche finlandais), de l’Université Laval, du ministère des Ressources naturelles du Canada et de l’Ecole Polytechnique de Montréal.

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« Depuis trop longtemps, la société a écarté les Premières Nations des grands projets économiques. L’exploitation en forêt génère des débris de bois qui pourrissent sur place. Cette exploitation ne devrait pas laisser de trace sinon on altère l’écosystème en place et le mode de vie de ses habitants. Nous devons être des alliés lorsqu’on parle de gestion des ressources naturelles, il s’agit de nos lacs, de nos rivières et de la faune qui nous font vivre depuis des centaines d’années. »

M. Awashish, qui se dit d’une part heureux de la tournure des événements, reconnaît qu’un tel partenariat n’est pas chose facile. « La société québécoise tend à analyser de la validité d’un projet dans l’ordre suivant : en terme économique, en terme d’impact social et en terme d’impact sur l’environnement. Logiquement, pour les Premières Nations, tout projet sur notre territoire de vie devrait être analysé d’abord environnementalement, socialement puis économiquement. Si un projet altère négativement l’environnement, il ne doit pas être retenu. »

Mais au-delà de ces différences, les deux panélistes se disent ouverts à un rôle social élargi leur permettant de d’assurer un rôle économique, tout en conservant leurs langues, leur identité et leurs croyances ancestrales. « C’est une simple question de respect. Les Premières Nations ne constituent pas un frein à l’essor économique mais bien une valeur ajoutée pour tout projet, » conclut M. Awashish.