A plusieurs occasions au cours des années des situations impliquant un rapport jet/toile incorrect ont été rencontrées. Cet article est un sommaire sur ce sujet important.
Le rapport jet/toile (J/T) est le rapport entre la vitesse du jet à celle de la toile de formation au contact avec celle-ci. Certaines usines utilisent la différence entre les deux, appelée en anglais « rush » ou « drag » pour désigner un jet plus rapide ou plus lent que la toile, selon le cas.
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Le J/T est l’un des paramètres clés qui définit les propriétés de la feuille, telles que le rapport SM/ST de rupture ou de TSI (tensile stiffness index), la résistance à la compression (RCT ou SCT), le gondolage et la formation. Cet effet est dû au cisaillement causé entre la suspension fibreuse et la toile de formation, causant plus ou moins d’orientation des fibres (anisotropie), non seulement globale mais aussi différente entre les deux surfaces (anisotropie différentielle). L’utilisation d’un J/T incorrect produit des propriétés non-optimales, où le plein potentiel du fourni n’est pas atteint, et peut causer des problèmes lors de la conversion ou de l’utilisation subséquente du produit, incluant une variabilité excessive.
La vitesse du jet est calculée en utilisant l’équation typique suivante Vj = √(2gh), où g est l’accélération (32.19 pi/s² ou 9.81 m/s²) et h est la pression de la caisse (appelée aussi tête totale), en pieds ou mètres de colonne d’eau. En réarrangeant cette équation on obtient h = Vj²/2g. Comme J/T = Vj/Vt, cette équation devient h = (J/T * Vt)² / 2g.
La tête totale doit être corrigée pour la différence d’élévation entre le transmetteur de pression situé dans la zone de convergence de la caisse et le point de contact du jet dans la zone de formation. Par exemple, à 3000 pi/min (914.4 m/min), la tête totale calculée est de 466.0 po. H2O ou 116 .1 kPa à un jet/toile de 1.000 et sans correction d’élévation. Si le transmetteur est 2 pouces plus haut que la zone de formation, la tête totale mesurée devient 464.0 pouces H2O, ou 115.6 kPa. Opérant à un jet/toile de 0.975 réduit la vitesse du jet à 2925 pi./min (2.5% ou un drag de 75 pi/min), et la tête totale mesurée sera de 441.0 po. H2O, ou 109.8 kPa. à la même vitesse de toile et élévation du transmetteur.
Ces calculs résident normalement dans le système contrôle qualité (QCS), qui reçoit la vitesse toile ou la calcule basé sur le signal d’un tachymètre localisé sur un rouleau majeur (normalement le coucheur ou le rouleau d’entraînement) dont le diamètre est connu avec précision. La tête totale calculée pour obtenir le jet/toile désiré devient la consigne de la boucle de contrôle de la tête totale.
La tête totale est mesurée par un transmetteur spécial situé dans la zone de convergence, en aval du générateur de turbulence. Le fabriquant de la caisse fournit une équation plus détaillée que celle ci-dessus, spécifique à la caisse en question, qui comprend des facteurs de correction et est programmée dans le QCS lors de son installation. Les meilleurs pratiques aujourd’hui suggèrent l’utilisation de deux transmetteurs (côtés conducteur et entraînement), l’un pour le contrôle, l’autre pour comparaison, les deux étant affichées sur l’écran de l’opérateur. Un sélecteur permet de choisir le signal utilisé pour le contrôle. Il est aussi suggéré d’ajouter un calcul montrant la différence entre les deux pressions accompagné d’un KPI (typiquement 2-3 pouces d’eau) afin qu’action soit prise si cet écart est excédé, tel que le changement du transmetteur actif pour le contrôle, suivi de son remplacement et de sa recalibration lors d’un prochain arrêt. Des lectures fiables de pression de caisse sont essentielles à l’atteinte de la meilleure qualité!
Les Opérations doivent déterminer le jet/toile qui produira les résultats optimaux. Cette détermination implique un essai de rapport jet/toile durant lequel – sous des conditions stables de fourni, poids de base, vitesse et consistance de caisse de tête – seul le jet/toile sera volontairement changé, dans une plage de 0.95-1.05 et incréments de 0.01. Cela assure que les plages de « rush » et de « drag » sont correctement couvertes, incluant la détermination du point « neutre » (1.000). La feuille est échantillonnée pleine largeur à chaque point et les propriétés clés mesurées, manuellement on en utilisation un système automatisé si disponible. Le rapport de rupture SM/ST ou de TSI est utilisé pour établir le point neutre où il atteindra un minimum (voir figure 1). Notons que l’exécution de l’essai à une ouverture de lèvre constante se traduira par un faible changement de consistance (de l’ordre de quelques pourcents), que l’on ignore généralement pour faciliter l’essai.
Figure 1.
Il n’est pas rare de trouver le point neutre à un jet/toile différent de 1.000 à cause d’erreurs de calibration ou de calcul. A court terme ce problème n’est pas majeur, en autant que le jet/toile optimal est identifié. Cependant, on devrait déterminer la cause de cette situation afin d’y remédier et de permettre la communication de bons KPI pour assurer le suivi qualité à l’avenir.
Dépendant des conditions d’usine, l’essai jet/toile peut s’effectuer sur une série de bobines-mères, échantillonnées à la tournée, ou en succession rapide à l’intérieur d’une bobine-mère où chaque changement est identifié pour échantillonnage par la suite. Il peut être possible de suivre les changements de jet/toile en utilisant la mesure de la largeur de feuille du QCS (ou une mesure manuelle), qui s’élargira progressivement à l’approche du point neutre puis rétrécira. Ces données doivent être considérées comme qualitatives et complémentaires aux rapports de rupture et de TSI sur lesquels on doit se fier pour la détermination de l’orientation de la feuille. Cette situation découle du fait que d’autres facteurs impactent la largeur de la feuille, dont les tires et l’humidité.
Pour de meilleurs résultats, les cibles de jet/toile devraient être exprimées avec 3 décimales, 1.025 par exemple. Pour des papiers exigeant une feuille faiblement orientée (« carrée »), le jet/toile optimal se trouvera près du point neutre mais pas nécessairement au point neutre. Les données de l’essai indiqueront où se trouve ce point. Notons que celui-ci peut varier en fonction de la vitesse machine. Différents grades (e.g. différents grammages), produits à différentes vitesses, peuvent requérir des rapports jet/toile légèrement différents, et donc des KPI différents pour les opérateurs. Une autre raison d’explorer les côtés « rush » et « drag » est que la meilleure performance peut être située préférentiellement d’un côté et soit différente de part et d’autre du point neutre.
Les erreurs communes de jet/toile incluent la dérive d’un transmetteur et des calculs incorrects dans le QCS, incluant des facteurs de conversion. Notons que le jet/toile ne doit jamais être utilisé pour contrôler la consistance de la caisse de tête! La consistance doit être changée par l’ouverture de la lèvre, en opérant la caisse en contrôle de tête totale.
J’espère que ces informations vous seront utiles!
A propos de l'auteur
Jacques Perrault
Ingénieur chimique, gradué de Polytechnique en 1976, il a œuvré au sein de plusieurs papetières (CIP, Domtar, Produits forestiers Alliance, Bowater et Cascades) à l’optimisation et au diagnostic des procédés de fabrication du papier (papier journal, spécialités de pâtes mécaniques, papiers fins et carton caisse).
Il a aussi travaillé pour Black Clawson, un fabricant de machines à papier, sur le programme Top Flyte et a été directement impliqué dans des projets de nouvelles machines telles la MP5 de Dolbeau et la MP4 de Donnacona, de même qu’à la conversion de la machine de Bear Island à la fabrication de carton caisse. Jacques a supporté d’autres mise en marche, telles celles des MP7 et 8 de Domtar Windsor de même que celle de Greenpac et a rédigé pour Hydro-Québec un guide d’économie d’énergie dans l’exploitation des machines à papier.
Durant toute sa carrière, Jacques a été impliqué dans l’Association technique des Pâtes et Papiers du Canada, et est membre de l’OIQ, PAPTAC, TAPPI et de l’IASPM. Il détient un brevet sur un appareil qui mesure l’ondulation du papier et a reçu de PAPTAC les prix C, Howard Smith, Jasper Mardon et la médaille John S. Bates.