L’industrie papetière japonaise mise gros sur les nanofibres de cellulose

Liquide de dispersion de nanofibres de cellulose ( Nippon Paper)

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Les principaux fabricants de papier japonais développent un nouveau matériau en fibre de bois qui pourrait contribuer à promouvoir la décarbonation et à réduire l’utilisation des plastiques.

Alors que la demande de papier ne cesse de baisser, l’industrie nippone cherche à étendre l’utilisation du bois, une ressource renouvelable, au-delà des produits en papier.

Car la demande intérieure de papier et de carton est en chute depuis son pic de 2000. En 2023, la demande devrait fléchir à 22,58 millions de tonnes, soit une baisse d’environ 30% par rapport à 2000. Cette tendance qui perdure vient du fait que les entreprises ont numérisé davantage leurs opérations tout en encourageant le travail à distance dans le contexte de la pandémie de COVID 19. La flambée des prix du charbon et des copeaux de bois a aussi pesé lourdement sur les résultats financiers des principales papetières japonaises.

Les NFC à la rescousse

Pour remédier à la situation, les entreprises développent depuis quelques temps des nanofibres de cellulose, ou NFC, qu’elles considèrent comme un matériau prometteur de nouvelle génération. La NFC est une fibre fine d’un diamètre de quelques nanomètres, créée par le relâchement des fibres de bois (ou de pâte) provenant des forêts. Elle est légère, solide et possède une excellente élasticité. Un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre.

L’ajout de NFC peut créer des matériaux à haute résistance et réduire l’utilisation des plastiques. Ils devraient être utilisés dans les véhicules, les appareils électroménagers et les matériaux de construction.

Quelques exemples d’applications

Nippon Paper Industries, en collaboration avec Yamaha Motor, développe pour sa part une résine renforcée mélangée à du NFC pour une utilisation dans les pièces de moteur de motomarines. La résine renforcée NFC, fabriquée dans l’usine de Nippon Paper à Fuji, dans la préfecture de Shizuoka, sera utilisée dans les pièces du modèle 2024, marquant sa première application dans des véhicules produits en série au Japon.

La sécurité et la solidité sont les principales priorités de l’utilisation de NFC dans les véhicules. Travaillant avec une équipe de sports automobiles, Daio Paper fournit, depuis 2019, des pièces NFC destinées à être utilisées dans les carrosseries de véhicules électriques destinées à des courses automobiles aux États-Unis. L’objectif premier est de rendre les véhicules électriques plus durables et plus légers. En 2022, des NFC ont été utilisées à l’avant et à l’arrière des carrosseries des véhicules, contribuant ainsi à une réduction de poids de près de 60 kilogrammes.

En vérifiant la solidité dans l’environnement rigoureux de la course automobile, « nous explorons la possibilité de déplacer l’application pratique des pièces de véhicules de course vers des pièces de véhicules à usage général, » d’expliquer Michihiko Tamaki, directeur général de Daio Paper.

Oji Holdings a quant à elle développé des granules de résine à haute résistance, en utilisant des matériaux cellulosiques qui n’ont pas été raffinés au niveau de la NFC. Oji a fait appel à une technologie conçue dans le cadre de ses recherches sur la NFC. En raison de leur excellente résistance aux chocs, l’entreprise souhaite utiliser ces granules de manière pratique pour les matériaux intérieurs des automobiles.

« Si les produits cellulosiques (avec des coûts inférieurs à ceux du CNF) sont acceptés par les clients, les opinions sur la NFC changeront également, » de déclarer Mitsuru Kobayashi, directeur du centre de recherche et de développement NFC d’Oji Holdings. L’entreprise espère être compétitive sur le marché grâce à la haute qualité de ses produits et en n’accordant aucun rabais.

Problème de coûts

Bien que la NFC présente d’excellentes caractéristiques environnementales, et que l’approvisionnement en matières premières provient de forêts gérées de façon durable, force est de constater qu’elle n’a pas été largement adoptée dans les véhicules ou les appareils électroménagers.

Un obstacle majeur à une large application de la NFC est malheureusement son coût, qui est plus élevé de « plusieurs ordres de grandeur », selon un responsable de l’industrie. En ce moment les fabricants accélèrent leurs efforts pour développer des applications NFC capables de garantir de gros volumes d’expédition. Car « si le volume des expéditions augmente, le prix pourrait être abaissé à un niveau qui encourage une utilisation plus large de la NFC », selon ce même responsable.

Selon une enquête de l’Institut de recherche Yano, la capacité de production des installations nationales produisant la NFC s’élève à environ 1 070 tonnes par année. « Les prochaines années seront donc cruciales pour garantir des frais de production viables et par le fait même assurer la demande future pour les nanofibres cellulosiques, » de conclure l’Institut.