Innofibre se donne les moyens de ses ambitions

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Si Trois-Rivières était autrefois la capitale mondiale du papier journal, la Mauricie pourrait-elle devenir la capitale des produits biosourcés? Ce rêve, tant caressé par le directeur d’Innofibre, Jean-Philippe Jacques, et son équipe technique est en voie de se réaliser.

Ce « hub » d’innovation des produits cellulosiques du Cégep de Trois-Rivières vient de recevoir une subvention de 2,25 millions$ de Développement économique Canada et 6 M$ du ministère de l’Économie et de l’Innovation qui lui permettra d’ajouter, au coût de 9,2 millions$, un centre de produits biosourcés. La vocation de cette bâtisse sera de développer des technologies d’emballages alimentaires cellulosiques recyclables ou compostables et de valoriser la biomasse résiduelle d’origine forestière, agricole ou urbaine comme les résidus de bois de construction et de démolition provenant du secteur de la construction.

La Ville de Trois-Rivières a adopté l’automne dernier une résolution visant à vendre au Cégep de Trois-Rivières un terrain de 12 800 mètres carrés en bordure du boulevard Parent. Le futur édifice d’Innofibre permet d’offrir aux entreprises la possibilité de développer des équipements pré-commerciaux pour tester leurs produits dans un contexte de taille industrielle, ce qui facilitera l’étape vers leur production éventuelle à échelle commerciale.

Innofibre 29mars22 2Jean-Philippe Jacques, directeur d’InnofibreInnofibre, qui loge présentement dans un pavillon de l’UQTR, a besoin de cet espace supplémentaire, explique le directeur. « On ne dédouble pas. On ne déménage pas les équipements », précise-t-il. « C’est un bâtiment complémentaire. » La direction d’Innofibre planchait sur ce projet depuis plusieurs mois et était en attente de subventions, mais le déclenchement des élections fédérales en septembre 2021 a ralenti le processus. « En trois ans, nos effectifs ont doublé, ce qui créait une situation délicate. Aujourd’hui, le financement est bouclé, les appels d’offres sont lancés et la construction devrait commencer au printemps de 2023, » ajoute M. Jacques.

L’arrivée prochaine du centre de produits biosourcés permettra de répondre aux besoins des partenaires privés d’Innofibre en développant des produits biosourcés tout en accélérant le développement technologique.

« Un produit cellulosique est un produit recyclable ou compostable, explique M. Jacques. Les produits d’emballage, c’est un axe de recherche parmi tant d’autres. Ça peut être pour l’industrie alimentaire. Dans le milieu de l’emballage, est-ce qu’on peut remplacer les renforts en styromousse avec des renforts en carton? Est-ce qu’on peut remplacer le papier bulle par quelque chose de recyclable ou de compostable? Voilà le type de questions que nous nous posons. »

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Recherche appliquée et confidentialité

Innofibre a vu le jour en 1989 à titre de Centre collégial de transfert de technologie : on venait à l’époque répondre à des besoins spécifiques aux pâtes et papiers. Aujourd’hui, l’offre de service se décline en trois temps : 1. De la recherche appliquée avec les entreprises privées. 2. La formation de la main-d’œuvre appliquée. 3. Le partage et la vulgarisation des connaissances. « La confidentialité des résultats est assurée, notre recherche reste neutre, nous ne vendons aucun équipement, » précise M. Jacques. Innofibre peut aussi compter sur une équipe d’une cinquantaine de techniciens, chercheurs et enseignants, chevronnés et dévoués à la recherche appliquée. De plus, Innofibre accueille annuellement une trentaine d’étudiants collégiaux et universitaires afin de les initier à la recherche et de leur permettre d’appliquer leurs connaissances théoriques.

L’engouement actuel pour le bioraffinage ne se dément pas: technologie verte, conditionnement de la biomasse, produits en bois : le but ultime est de réduire au maximum l’utilisation du plastique et des carburants fossiles. Les biocarburants font d’ailleurs l’objet de recherches intensives à travers le monde depuis plusieurs années. Production d’hydrogène, de biométhane et de biocarbone répondent à un besoin réel de l’industrie privée.

Un procédé prometteur à l’heure actuelle est la liquéfaction hydrothermale qui permet de produire, à partir de biomasse humide, une biohuile appelée « biobrut » qui s’apparente à un brut pétrolier. Ce même procédé a été identifié par la National Alliance for Advanced Biofuel and Bioproducts aux États-Unis comme procédé pour la production de biocarburant à partir de microalgues. Ces dernières sont de véritables usines cellulaires qui peuvent produire une foule de molécules à valeur ajoutée.

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Toutefois, le gros de la demande tend vers les emballages puisque les fibres cellulosiques sont à la fois recyclables et compostables. C’est une matière idéale, très intéressante dans le cadre d’une gestion durable en économie circulaire.

« On remarque une forte demande pour le conditionnement de la biomasse : les recycleurs veulent être intégrés et développer leurs propres produits avec le recyclé.  Nous avions 26 projets collaboratifs juste en 2021. La biomasse c’est l’économie du futur et ça vient répondre à l’élimination graduelle de l’enfouissement et de la production de plastique à usage unique. Le tout en réduisant les émissions de GES, » fait remarquer M. Jacques.

Il est impératif, selon lui, de sortir du paradigme de la production du papier. « Les papetiers sont plus que des producteurs de papier, nous sommes rendus plus loin que cela. La production de papier demeure, bien sûr, mais on travaille parallèlement sur les produits biosourcés, » ajoute-t-il.

Partenariat et distinction

Innofibre ne travaille pas seul et peut compter sur la collaboration de plusieurs partenaires, dont la Ville de Trois-Rivières. Innofibre participait d’ailleurs, au moment d’écrire ces lignes, à une mission commerciale en France avec la Ville. « Trois-Rivières croit en ce qu’on fait. Nous allons démontrer notre expertise là-bas.  Nous n’avons rien à envier aux Européens et à la recherche appliquée européenne, nous sommes même complémentaires, » estime M. Jacques. Nous bénéficions d’une hydroélectricité verte alors que les Européens bénéficient de plus de capitaux, elle se situe là la différence entre nous. Et notre propre expertise attire une clientèle internationale. On n’a qu’à penser à la lignine : l’Europe peut en produire mais encore faut-il l’adapter pour utilisation finale. Une expertise que nous avons développée. »

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Pas étonnant qu’Innofibre génère tant d’intérêt : au palmarès des 50 instituts de recherche du Canada pour 2021, le Cégep de Trois-Rivières se classe en première position pour la contribution à la recherche industrielle supportée directement par le secteur privé; première position également pour le plus grand nombre de projets de recherche complétés; et premier pour le plus grand nombre de partenariats en recherche.

Est-ce qu’on voit le même état d’esprit chez nos papetières que chez les papetiers européens? « La volonté de se diversifier est de plus en plus présente chez nos papetiers. C’est dans leur intérêt. Il faut surtout accélérer le processus et les 2 paliers de gouvernement ont intérêt à s’investir également.

Le poids du politique 

Les autorités doivent avoir et instiller une vision d’avenir claire, poursuit M. Jacques. « Le coup de main financier manque parfois à l’appel. Nous sommes là pour accélérer le processus dans toutes ses facettes. Autant dans le processus que pour le financement. » Pas facile lorsqu’on sait que des programmes financiers n’ont plus de fonds pour supporter les projets d’innovation. L’État a un rôle d’exemplarité et doit contribuer au virage vert. « Tous les acteurs doivent s’investir. »

L’avenir du secteur forestier reste très prometteur. La guerre en Ukraine a fait exploser le prix de l’acier et de l’aluminium de 40% - une opportunité à saisir pour les produits du bois. Autre exemple : la pénurie de latex comme agent barrière en provenance du Texas il y a quelques années. « Nous proposons pour notre part un agent barrière recyclable pour nous permettre de devenir plus autonome et se mettre à l’abris des fortes fluctuations de prix. »

Thermoformage

Un mot, en terminant, sur les produits thermoformés : voilà un bel exemple d’application développée par Innofibre. Il y a 3 volets au thermoformage : la préparation de la pâte, le procédé à améliorer (ex : drainage, séchage) et le développement de produits en trois dimensions comme les barquettes, pots de fleur ou verres à café. Tarik Jabrane, chercheur chez Innofibre, est titulaire de la chaire de recherche industrielle du CRSNG pour développer ces trois volets. L’expertise de Monsieur Jabrane et ses collègues est tellement en demande, que plusieurs partenaires internationaux les sollicitent pour des projets de recherche appliquée; même que Monsieur Jabrane est invité à des conférences d’envergure pour présenter ses travaux de recherches. Ces produits sont très polyvalents et peuvent être utilisés non seulement pour des produits de luxe, mais aussi comme enveloppe protectrice pour des produits de grande consommation. Grâce aux améliorations apportées à cette technologie, les produits finis sont dotés d’une sophistication élégante. Les emballages en fibre moulée ont grandement évolué depuis les classiques boîtes à œufs, pour offrir maintenant des emballages thermoformés de luxe, avec une meilleure finition extérieure, pour les marques haut de gamme. La demande demeure robuste pour le papier innovant, pour l’industrie alimentaire et le papier bioactif.

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La mission d'Innofibre
« Contribuer au positionnement technologique et au développement durable de l’industrie papetière et du bioraffinage au Québec, en soutenant l’innovation et la diversification des produits issus de la biomasse et en adaptant les technologies papetières. » www.innofibre.ca

Innofibre 29mars22 7L'équipe d'Innofibre