Une coalition autochtone formée de chefs héréditaires et de gardien·nes du territoire issus des nations atikamekw, innue et abénakise a adressé, le 15 mai 2025, un ordre d’expulsion à une douzaine d’entreprises forestières opérant dans les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la Mauricie et de la Côte-Nord.
Cet avis, signé par la Première Nation Mamo et les Gardien·nes du Nehirowisiw Aski, a également été transmis aux autorités provinciales et fédérales, dont la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina.
Par cette démarche, les signataires exigent l’arrêt immédiat des activités de coupe sur les territoires qu’ils considèrent comme autochtones non cédés. « Tous vos employés et contracteurs doivent évacuer immédiatement nos territoires », indique la lettre envoyée par courrier recommandé à des entreprises telles que Produits forestiers Résolu, Groupe Rémabec, Groupe Boisaco, et plusieurs scieries indépendantes.
Les organisations autochtones affirment que la présence des compagnies constitue une infraction à la souveraineté des peuples autochtones, protégée selon eux par l’article 35 de la Constitution canadienne et par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Elles dénoncent également le fait que les accords passés avec les conseils de bande reconnus par l’État ne s’appliquent pas hors des limites des réserves.
L’ordre d’expulsion vise spécifiquement les abatteuses multifonctionnelles, et interdit toute nouvelle coupe. Toutefois, les entreprises sont autorisées à récupérer leur machinerie et à transporter le bois déjà coupé, afin d’éviter la dégradation des sols. Si les coupes devaient se poursuivre, les signataires se réservent le droit « d’occuper et d’exercer [leur] souveraineté ancestrale millénaire sur le territoire ».
Ce geste s’inscrit dans un climat de forte contestation entourant le projet de loi 97 sur la réforme du régime forestier, déposé récemment par le gouvernement Legault. Cette réforme propose notamment la création de « zones d’aménagement forestier prioritaire », qui réserveraient jusqu’à 30 % des forêts publiques à l’industrie. Plusieurs groupes autochtones, syndicats et organisations environnementales y voient un recul en matière de gouvernance, de consultation et de protection des écosystèmes.
Le mouvement syndical forestier s’est également mobilisé. Lors du Sommet sur la forêt tenu à Saguenay cette semaine, des représentants syndicaux, des experts, des entreprises et des membres des Premières Nations ont dénoncé le manque de dialogue avec le gouvernement et réclamé une réforme mieux concertée. « C’est le début d’un dialogue social, excluant le gouvernement, car le gouvernement n’est pas ici », a déclaré Kevin Gagnon, de la CSN.
L’Association québécoise des entrepreneurs forestiers (AQEF) a réagi en affirmant reconnaître la légitimité des préoccupations exprimées par les groupes autochtones, tout en soulignant que de tels blocages perturbent considérablement les activités des entreprises forestières et leurs travailleurs.
À ce jour, le cabinet de la ministre Blanchette Vézina n’a pas émis de réaction publique.