Le secteur forestier canadien échappe à de nouveaux tarifs américains

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Analyse de marché

L'industrie canadienne des produits forestiers a échappé à l’imposition de nouveaux tarifs douaniers lors du « Jour de la Libération » autoproclamé par le président Trump, le 2 avril, même si la menace d’actions futures demeure bien présente.

Alors que le secteur (comme le reste du Canada) retenait son souffle en attendant la déclaration du président américain, un certain soulagement a été ressenti lorsque le Canada (ainsi que le Mexique) ne figurait pas parmi la longue liste de pays visés par de nouveaux tarifs.

À la fin mars, le premier ministre canadien Mark Carney et le président Trump ont discuté de la guerre commerciale lors d’un appel téléphonique que Carney a qualifié de productif et constructif. Il a ajouté que cet échange « cordial » marquait le début de négociations exhaustives qui s’intensifieront après les élections fédérales canadiennes prévues le 28 avril. Carney a également annoncé des investissements dans les infrastructures facilitant le commerce, dans le cadre de la réponse canadienne aux tarifs américains déjà en place. De son côté, Trump a affirmé que les choses allaient bien se passer entre le Canada et les États-Unis.

Cela dit, tout cela suppose que Carney et son Parti libéral remportent les élections. Par ailleurs, chacun des deux dirigeants pourrait avoir sa propre définition de ce que signifient des termes comme « productif », « constructif » ou « bien se passer ».

Pour les producteurs de pâtes et papiers, l’inquiétude est qu’une nouvelle hausse des tarifs sur le bois d’œuvre résineux puisse freiner la production canadienne, ce qui entraînerait une baisse de la fibre disponible pour les usines de pâte. Prenons l’exemple du papier hygiénique : une grande partie de la pâte utilisée est de type NBSK, dont les États-Unis ont importé environ deux millions de tonnes en provenance du Canada. Les propriétés qu’elle confère au produit fini sont difficiles à reproduire.

Globalement, selon les données de l’ONU (COMTRADE), le Canada a exporté pour 6,8 milliards de dollars américains de pâte, de papier et de carton vers les États-Unis en 2024.

Dans un communiqué de presse daté du 4 mars, même l’American Forest & Paper Association (AF&PA) s’est opposée au tarif de 25 % annoncé sur tous les produits canadiens. « De nouveaux tarifs nord-américains risquent de perturber gravement les chaînes d’approvisionnement transfrontalières, complexes, de notre industrie », a-t-elle déclaré. Elle a souligné que « certaines matières premières doivent être obtenues au Canada en raison de spécifications précises en matière de qualité des fibres et d’efficacité logistique. »

Dans un communiqué également daté du 4 mars, l’Association des produits forestiers du Canada (APFC) a déclaré : « La décision du président américain d’imposer des tarifs généralisés sur les exportations canadiennes est injustifiée et rompt unilatéralement les termes de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. » Le président et chef de la direction de l’APFC, Derek Nighbor, a ajouté : « Pour le secteur forestier canadien, si ces tarifs ne sont pas levés, ils nuiront à une chaîne d’approvisionnement intégrée de longue date, fonctionnelle et mutuellement bénéfique pour les Canadiens et les Américains. »

Nighbor souligne également que l’incertitude commerciale créée de part et d’autre de la frontière entraînera une hausse des coûts pour « les matériaux de construction et les produits de consommation courante pour les Américains », une préoccupation fréquemment soulevée par les producteurs et les politiciens.

La diversification est essentielle pour limiter l’exposition au marché américain. Par exemple, Canfor, basé en Colombie-Britannique, a déclaré dans son rapport financier trimestriel qu’il est bien positionné pour atténuer certains coûts grâce à ses plateformes diversifiées dans le sud des États-Unis et en Suède, en plus du Canada. Toutefois, les tarifs actuels et potentiels posent des défis pour ses activités canadiennes, incitant l’entreprise à réorienter ses produits vers les marchés intérieurs — notamment dans l’Ouest canadien — et à renforcer sa présence à l’international.

Même si la date du 2 avril était très attendue, la saga est loin d’être terminée. Économistes, politiciens et chefs d’entreprise commencent à peine à mesurer les effets de ces mesures sur le commerce mondial, les économies nationales et les chaînes d’approvisionnement.



Graeme Rodden
a couvert l'industrie des pâtes et papiers pendant plus de 40 ans, notamment en tant que rédacteur en chef de plusieurs magazines bien connus de l'industrie du papier.