FPInnovations : appliquer la recherche pour offrir des solutions

Stéphane Renou, président et chef de la direction de FPInnovations. Gracieuseté de FPInnovations

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Chef de la direction de FPInnovations, Stéphane Renou sait ce qu’il a entre les mains. À la barre d’un organisme de R-D de calibre mondial spécialisé dans les solutions pour le secteur forestier canadien, M. Renou est conscient de la puissance scientifique et technique qu’il commande, mais garde en tête avec reconnaissance le rôle du moteur qui fait fonctionner la machine FPInnovations : son personnel.

Stéphane Renou a été nommé président et chef de la direction de l’organisme sans but lucratif en 2017 et il a consacré les trois dernières années à favoriser des solutions créatives aux défis les plus complexes de l’industrie forestière canadienne, tout en mettant en place une main-d’œuvre dynamique et intégrée. Diplômé en biologie et en génie chimique et détenteur d’un doctorat en génie chimique, Stéphane Renou a été un citoyen du monde pendant plusieurs années, ayant établi sa carrière aux États-Unis et en Italie avant de revenir à son Montréal natal, au Québec, pour diriger FPInnovations. « La possibilité de revenir à Montréal m’a permis de boucler la boucle », explique-t-il. « Ma première passion était le contrôle des procédés, alors travailler dans cet aspect de l’industrie forestière était vraiment fascinant pour moi. »

L’important, ce sont les gens

FPInnovations s’est taillé une importante place de fournisseur de solutions qui contribuent à la compétitivité du secteur forestier canadien. L’organisme entreprend des recherches de pointe pour développer des technologies avancées, conçues pour répondre aux problèmes de toute la chaîne de valeur du secteur, des ressources forestières aux usines et au marché. Avec ses laboratoires situés stratégiquement sur la côte ouest et dans l’est et ses bureaux de transfert technologique partout au pays, FPInnovations compte 395 employés, une source incroyable de fierté pour M. Renou. « Notre meilleur atout, ce sera toujours nos employés. Nous avons besoin d’un concentré de compétences très particulières. Nos gens ne doivent pas simplement être experts de leur domaine, mais ils doivent aussi être capables de naviguer dans de multiples dimensions. Il faut en moyenne dix ans pour former un grand leader technologique après l’obtention de son doctorat. Il faut d’abord des experts de la recherche appliquée qui excellent dans leur domaine, qu’on doit aider à se transformer pour qu’ils acquièrent les compétences générales nécessaires pour interagir avec les clients, réseauter et enseigner à d’autres des sujets complexes de façon accessible. Il ne suffit pas d’être un grand chercheur, il faut avoir les aptitudes pour faire progresser la recherche. Il faut savoir ce qui doit se passer et faire en sorte que cela se produise. Il faut de grands chercheurs qui peuvent devenir de grands leaders. Nous sommes constamment à la recherche de ces gens, tous les jours. »

fpinnovations 8oct20 2Le siège social de FPInnovations à Pointe-Claire, Qc, Canada

L’importance de la formation

Selon Stéphane Renou, pour recruter ceux dont FPInnovations a besoin, la recherche de talents commence dans les universités. « Le réseautage avec les universités et la collaboration avec des professeurs qui développent des talents est un aspect important de notre travail. » Bien qu’il s’empresse de louer la qualité et le calibre des universités canadiennes et les talents qu’elles produisent, il note aussi une faille dans les attentes concernant le proverbial « transfert de cerveaux », qui peut être difficile à gérer. « Le sujet de votre doctorat n’est pas le seul aspect qui compte, il s’agit plutôt de ce que vous pouvez faire de plus, de ce que vous pouvez faire différemment et mieux. Il y a une certaine lacune quand vient le temps de gérer ce qu’on attend des diplômés universitaires. Ce n’est pas un problème propre au Canada, bien sûr, mais d’autres pays font assurément mieux. Par exemple, l’Allemagne a un système efficace qui intègre les étudiants dans l’industrie beaucoup plus tôt et le fait sans compromettre l’intégrité ou la profondeur de leurs recherches. Cela permet à un étudiant de se plonger dans les défis du monde réel. C’est le défaut de beaucoup de nos programmes de maîtrise ou de doctorat – nous semons les graines de la recherche, mais échouons souvent à enseigner comment reconnaître la meilleure solution puis la façon de l’appliquer. Ce qu’il faut, c’est former nos cerveaux pour résoudre des problèmes, on ne peut pas alimenter nos étudiants uniquement avec des connaissances. »

Le climat, un accélérateur de changement

S’il y avait un bon moment pour entrer dans le secteur et être confronté à des défis et à des possibilités complexes, dynamiques et concrètes, les changements climatiques ont certainement favorisé ce contexte pour l’organisation et pour l’ensemble du secteur forestier. Stéphane Renou fait remarquer le rôle crucial que le secteur forestier a à jouer dans la réponse du Canada aux changements climatiques, soulignant l’importance que FPInnovations accorde à la question. Le défi des changements climatiques est une véritable mine de possibilités pour l’organisation, des percées étant possibles partout où un produit naturel peut remplacer un produit synthétique. « Nous sommes constamment à la recherche d’occasions de remplacer des produits moins efficaces sur le plan du carbone par des équivalents biosourcés carboneutres », indique-t-il. « Notre approche est de mettre les données sur la table et de considérer les domaines où nous pouvons aider, où nous pouvons augmenter l’utilisation de fibres naturelles dans la chaîne d’approvisionnement. Le Canada a de grandes forêts renouvelables et une industrie prête à investir. Mais il faut quelque chose à développer, il faut un acheteur et un vendeur. Nous nous efforçons de stimuler ces relations; nous travaillons avec beaucoup de propriétaires à des emballages renouvelables, par exemple. Lorsqu’une marque recherche une solution hors pair, nous devons d’abord comprendre les facteurs liés à la demande pour cette solution. Les gouvernements ont aussi un grand rôle à jouer. Un virage vers les biocombustibles, par exemple, ou se faire le champion de l’avantage carbone est important, mais souvent coûteux; des décisions stratégiques sont donc nécessaires pour mettre en place les bons incitatifs afin que le marché recherche ces solutions. Les politiques sont souvent l’outil de base pour que la bioéconomie progresse. »

Les mégadonnées

La foresterie 4.0 est un autre sujet d’intérêt majeur de l’organisation, et comme le fait remarquer M. Renou, le concept s’applique partout. Foresterie 4.0, le programme de numérisation de la foresterie de FPInnovations, part du principe que « des choses se passent et l’industrie doit amasser des données sur ces choses ». À un niveau plus élevé, cela pourrait vouloir dire compter sur les drones pour sonder les réseaux routiers qui mènent aux forêts et recueillir et appliquer ces données et informations afin que les routes soient utilisées de façon optimale. « Il s’agit de rassembler des éléments et de s’assurer que les données recueillies donnent des résultats maximaux. Pour les produits qui sortent d’une usine à papier, par exemple, on pense à la façon de réduire les émissions », explique-t-il.

L’impact de la COVID-19

Quand on lui demande comment le nouveau coronavirus a influencé les activités quotidiennes de FPInnovations et, de façon plus générale, son mandat, le dirigeant prend une pause et soupire. « Évidemment, cela a directement affecté nos chercheurs qui travaillent en laboratoire, qui ont été incapables de le faire pendant une certaine période. C’était très difficile. Il y a eu un impact sur nos finances, sur les gens que nous avons formés depuis longtemps, qui soudainement ne pouvaient plus faire le travail de laboratoire pour lequel ils avaient été embauchés, et il y a eu un impact sur l’ensemble de l’industrie parce que la pandémie a radicalement modifié le comportement des consommateurs. Nous avons vu un déclin d’activité du côté des pâtes et papiers, principalement dû à la chute de la demande pour les papiers commerciaux (tellement moins d’entreprises cherchaient à imprimer et à distribuer des publicités ou des encarts), mais je pense que la pandémie a simplement accéléré beaucoup de tendances que nous avions déjà constatées. Alors, la COVID-19 nous a forcés à progresser encore plus vite dans la transformation déjà amorcée, une poussée plus grande vers la numérisation et la foresterie 4.0, par exemple. C’est difficile pour tout le monde, mais notre mandat est, et continue d’être, d’aider l’industrie en transférant des compétences et des solutions d’une façon flexible et optimale », ajoute-t-il sereinement.

Élection présidentielle aux États-Unis

Si l’on se tourne vers l’automne, et vers l’impact possible des résultats de l’élection de novembre aux É.‑U., M. Renou demeure résolument terre-à-terre et factuel. « Il va sans dire que les relations du Canada avec les États-Unis sont importantes d’un point de vue commercial, et extrêmement importantes pour notre industrie en particulier, compte tenu du volume de produits que nous exportons au sud de la frontière. Nous regardons avec intérêt, comme tout le monde. La situation met cependant en évidence l’importance de diversifier les marchés. L’Asie et de l’Europe sont des marchés accessibles, fiables et solides, et comme nous mettons davantage l’accent sur les produits à valeur ajoutée, on doit aussi le faire avec ces marchés à l’esprit. »

Globalement, Stéphane Renou semble inébranlable dans son approche, prêt et apte à affronter une dynamique politique changeante, des changements climatiques et des pandémies mondiales. «  En fait, il faut se concentrer sur notre impact, appliquer nos recherches et améliorer les résultats pour les clients et pour l’industrie aussi vite que nous le pouvons. »


Heather Lynch